Un peu d’histoire
En 1890, selon un rapport des ponts et chaussées il y avait dans le département des Basses Pyrénées 1530 usines hydrauliques sur les rivières non navigables, dont 1324 moulins à farine, ce qui représentait 2985 paires de meules. Ces chiffres font apparaître l’importance des moulins dans nos campagnes il y a un siècle.En 1780 la carte de Cassini établie par la famille du même nom sur l’ordre de Louis XV est une référence pour l’existence et les droits des moulins.Une autre base pour mes recherches est la carte Napoléon établie en 1830. Castétis possède 2 ruisseaux : le Clamondé et le ruisseau de Noarrieu appellé également ruisseau de Péré, Gausère ou le Menaüt.
Le Clamondé et Le Menaut
Sur le Clamondé un moulin a été répertorié mais à Argagnon, c’est le moulin de Pailhet, sur le ruisseau de Jouandou (nom du Clamondé à Argagnon), il se trouve derrière la maison Lacabanne de Balansun et appartenait à la famille Libante, Coudoly maintenant. C’était un moulin à 2 meules non répertorié en 1890. Il y avait également 3 prises d’irrigation, une chez Tisnérot (débit 130l/s), une autre chez Péhau (débit 70l/s) et la dernière chez Marchand (débit 80l/s), ceci en 1890.
Sur le Ménaüt il y avait 5 moulins : 3 à Balansun et 2 à Castétis. à Balansun le premier était celui de Menaüt derrière la ferme du même nom, avec 1 paire de meules, une chute de 2.85 m, un débit de 350 l/s et une puissance utilisée de 1cv.Il ne reste plus de vestiges de digue, seulement une meule qui sert de seuil à la maison Menaüt. Le deuxième était celui de Péré de haut il était en face du chemin Balasque, avec aussi 1 paire de meules,il ne reste que la trace du canal au milieu d’un pré et le canal de fuite en bon état. Le troisième était le moulin de Lauquet ou de Péré de bas sa chute était de 3.08 m, son débit 280 l/s et sa puissance utilisée 1 CV pour 1 meule. Il ne reste que des traces de digue. En 1854 la famille Loustalé-Houdia le vendit à Jean Lonné de Biron.
A Castétis le premier est le moulin d’Auzy ou de Cazenave ou de Sauguitou (le nom a dû changer avec les propriétaires successifs) acheté par mon grand pére Jean Forsans en 1889 à Mr Peyret-Cauhapé lequel l’avait acheté en 1887 à Mr et Mme Lacrouts- Cazenave et exploité depuis. Ce moulin possédait 2 paires de meules une à maïs et une à blé, sa chute était de 3.32 m, son débit de 487 l/s et sa puissance utilisée de 3 CV. Il fonctionnait par éclusées : quand le « Baniu » était vide il fallait attendre qu’il se remplisse. Actuellement mon frère Jean Forsans en est le propriétaire, il ne reste que les murs et une partie de la digue.
Ensuite on trouve le moulin de Candau, qui porte le nom de son principal propriétaire le Marquis de Nays Candau habitant le château du même nom à Castétis. Avant la révolution il était le moulin banal de Castétis, il est cité dans le censier d’Orthez en 1538. C’était un moulin important équipé de 4 paires de meules dont 2 à blé et 2 à maïs, alimenté par le Menaüt, le Clamondé et un canal de 2 Km qui captait l’eau du gave à Argagnon. Actuellement seul le Menaüt l’alimente. Ce moulin qui disposait d’eau en quantité suffisante pouvait tourner pratiquement 24 heures sur 24. Sa hauteur de chute est de 4.10m, son débit était de 854 l/s aujourd’hui il n’est que de 300 l/s, sa puissance brute est de 46 CV, sa puissance utilisée de 9 CV. Il figurait ainsi que le moulin d’Auzy sur la carte de Cassini . Sa présence sur cette carte atteste des droits d’eau fondés en titre inaliénables car existant avant l’abolition de la féodalité. Sur cette carte on peut remarquer qu’en 1780 le Clamondé allait directement au moulin entre le Menaüt et le canal, on voit encore un talus dans le champ entre Ladaunette et Dulles, son cours actuel a donc été créé au début du 19ème siècle.
L’après-guerre
La course à la productivité et l’apparition des cylindres de mouture sonna le glas pour les moulins à meules de pierre, l’apparition des petits moulins mécaniques dans les fermes y contribua aussi. Avant la 2ème guerre mondiale les minoteries fabriquaient la quasi-totalité de la farine boulangère et d’alimentation animale. Mon parrain Jean Baptiste Forsans meunier à Sainte Suzanne prit le virage à temps, en 1911 son père avait équipé le moulin d’une puissante turbine qui animait 5 paires de meules, en 1933 il remplaça les meules par des cylindres, son fils Gilbert après des années de labeur et plusieurs rénovations fabriqua de la farine jusqu’en 1993. Le moulin de Candau lui s’arrêta en 1958, il écrasa le dernier sac de maïs pour la ferme Pétriat du quartier la Marcade, j’étais là et déjà amoureux du moulin. Je savais régler le débit à la vanne pour régler la vitesse de la meule, la trempure pour la finesse de la farine que l’on palpe à la sortie de l’anche, je pesais les sacs sur la bascule romaine et je prélevais la fameuse pugnère dont on a tant parlé, elle était le salaire du meunier.
La famille Forsans
La présence de la famille au moulin est certainement aux alentours de 1860, mais avec le concours de Gilbert Forsans nous avons pu remonter plus loin dans l’arbre généalogique de cette famille de meuniers. En 1709 naissait Pierre Forsans dit Lompré au moulin de Mounicq à Saint Boès, aujourd’hui transformé en centre aéré de la ville d’Orthez, il donna naissance à Jean en 1727 qui donna naissance à David en 1751, lequel donna naissance à Mathieu en 1782. Ce Mathieu eu 8 enfants, parmi les garçons 2 vont nous intéresser. Jean né en 1820, vint s’établir à Castétis et Josué né en 1827 s’installa à Sainte Suzanne. En effet au milieu du 19 ème siècle la population augmentant la demande de farine boulangère en fit de même et le moulin de Mounicq ayant une production limitée malgré la présence de bras, la famille le vendit et partit s’installer dans les 2 moulins plus importants.
Le moulin de Candau
Donc vers 1860 mon arrière grand père Jean s’installe au moulin de Candau, propriété du Marquis de Nays Candau. Je n’ai pu retrouver les affermages les liants, il habitait à la maison Garos (Maison Théaux à la carrère) c’est là que naquit mon grand père Jean le 4 Mars 1861. Ensuite il s’installa à la maison Ladaünette au bord de la route nationale c’est là que naquit Josué en 1863, surnommé » Tin » certains anciens du village se souviennent de lui. La maison Ladaûnette fut achetée en 1862. Mon père Pierre naquit le 18 janvier 1905 à Ladaünette. En 1910 mon grand père Jean acheta le moulin à Jean Baptiste Etchevers Aguerre meunier de Gouze, lequel l’avait acheté au Marquis de Candau en 1889 sans interrompre l’exploitation par la famille Forsans. Sitôt acheté le moulin fut modernisé par l’installation d’une bluterie, d’un trieur à blé et le rehaussement de la digue. Mon père Pierre exploita le moulin jusqu’à la 2 ème guerre mondiale, période à laquelle il tourna souvent de nuit à cause des restrictions et des contrôles. Au début de la guerre Pierre est mobilisé c’est Gérard Cazalis qui fera tourner le moulin. A la fin de la guerre les clients du moulin se faisant rares il compléta son activité par un commerce de graines de semences.
Maintenant
Il me transmit le moulin en 1981. Inactif pendant 40 ans le moulin s’était fortement dégradé mais il était toujours debout. En 1998 avec mon épouse nous avons pris la décision de le rénover et d’en faire notre résidence principale. Les formalités administratives ont pris 3 longues années, le chantier a démarré le 2 mai 2002, nous l’avons habité en mai 2003. La rénovation du moulin lui même a commencé aussitôt. Après le renforcement de la digue, la remise en état des vannages et les mécanismes de la meule, le moulin a de nouveau écrasé du grain le 15 juin 2008, 50 ans après son arrét. Un autre projet est en bonne voie, une micro centrale électrique, elle tourne depuis mars 2010 et est en cours de mise au point.
Dans la vie il faut avoir des projets, je crois que j’ai été gourmand mais c’est formidable ! Et maintenant pour conclure je souhaite la bienvenue à tous les castétisiens qui voudront nous rendre visite.
Alain Forsans au Moulin de Candau